Wednesday, July 02, 2014

 
Extradé par l’Espagne, torturé par le Maroc
Ali Aarrass
Il est sorti par la petite porte, il est revenu par la grande porte. L’ex-correspondant d’El Pais au Maghreb, Ignacio Cembrero, signe son premier article après sa démission du journal dans lequel il a fait pratiquement toute sa carrière. Aujourd’hui il signe dans El Mundo, le deuxième grand journal en diffusion papier, mais le premier site électronique en visites quotidiennes. Demain publie son premier article depuis sa démission d’El Pais.
« Ali m’a dit qu’il l’ont pendu par les poignets pendant des heures. C’était douloureux, mais aussi ils le battaient. Ils étiraient également ses bras et ses jambes comme pour le démembrer. Ils le noyaient à plusieurs reprises et à chaque fois qu’il perd connaissance, ils le réaniment. Ils lui injectaient des produits chimiques provoquant des folies. Ils l’ont violé avec des bouteilles. Ils lui ont placé des pinces métalliques dans ses parties intimes pour lui administrer des décharges électriques. »
Aarras Farida, né à Melilla mais de nationalité belge, a fait le mois dernier pour le mensuel « Le Courrier du Maghreb et de l’Orient » cette description de la torture, dit-elle, subi par son frère Ali, 52 ans, à Témara, siège de la police anti-terroriste marocaine. Il a subit cette torture, juste après avoir été extradé au Maroc en Mars 2010. Le gouvernement espagnol l’a remis aux autorités de Rabat qui l’ont réclamé.
Amnesty International, le gouvernement local et les forces de Melilla ont averti à plusieurs reprises avant d’être extradé : Ali Aarras ne peut pas obtenir un procès équitable au Maroc et risque la torture. Le Conseil des ministres espagnol, présidé par José Luis Rodríguez Zapatero, faisait le sourd et la Belgique, le pays dont Aarras Ali détient la nationalité, n’a pas bougé le petit doigt également. Il a fallu une décision de justice qui lui a accordée cette protection consulaire. La priorité était la lutte contre le terrorisme.
Trois ans après que l’Espagne ait pris cette décision, de nombreuses voix se sont élevées à l’appui de Aarras, y compris les Nations unies, le ministère marocain de la Justice a annoncé le 21 mai, une initiative rare: l’ouverture d’une enquête sur les plaintes formulées par le détenu de Melilla.
Formé par des religieuses à Melilla, Aarras avait 15 ans quand il a émigré à Bruxelles. Depuis petit, il était résident légal à Melilla, mais il ne détenait que la nationalité marocaine jusqu’en 1989, où il a acquis la nationalité belge et a fait le service militaire. En Belgique, il a fait beaucoup d’autres choses, des travaux de construction jusqu’à ouvrir une papeterie en plus d’épouser la marocaine Houria. Peu de temps avant de retourner à Melilla en 2005, il est également devenu un musulman pieux. Dans sa ville, il a ouvert en premier une sandwicherie, comme ses affaires n’allaient pas bien, il a fini par conduire des camions.
Enquêté en 2006 pour ses liens présumés terroristes par le juge de la Cour nationale, Baltasar Garzón, Aarras n’a pas eu de procès parce que le juge a classé l’affaire. Il a été arrêté de nouveau en 2008, à la demande de la justice marocaine et extradé deux ans plus tard. En octobre 2011, il a été condamné à 12 ans pour appartenance à un groupe terroriste et au trafic d’armes. La seule «preuve» qui soutient le jugement est selon leur avocat de Melilla, Mohamed Najim, c’est la confession du prisonnier obtenue sous la torture. Les avocats ont fait appel du jugement.
En Décembre 2012, le rapporteur de l’ONU pour la torture, Juan Mendez, croit, dans une lettre adressée aux autorités marocaines à des allégations de torture subie par Aarras. Il y’a quatre mois, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme a fait de même. Amnesty International, a transformé Aarras en un symbole, le 26 Juin, Journée internationale contre la torture. Elle a organisé des petites concentrations devant le parlement marocain et les ambassades du Maroc à Bruxelles et à Madrid. Dans cette dernière, 40 000 signatures ont été déposées, demandant d’enquêter pleinement sur ce qui s’est passé.
Aarras Ali n’est pas le premier cas, il a été précédé par le syrien Basel Ghalyoune, le tchétchène Murat Gassaïev, etc-, ni probablement le dernier, des personnes extradées par l’Espagne et qui auraient été torturées dans le pays où ils sont envoyés. Cependant, Il est le seul pour lequel l’ONU est intervenue. Aucun responsable du gouvernement Zapatero qui a autorisé l’extradition au Maroc, n’a demandé si l’Espagne a respecté ses obligations internationales.
Le Royaume-Uni a tenté de négocier des protocoles d’entente avec dix pays non-européens, pour extrader des détenus et que leurs gouvernements s’engagent à ne pas les condamner à mort, ni à les torturer. Ailleurs en Europe, on étudie que les consuls du pays d’extradition peuvent suivre la trace du sort de l’accusé, une fois transféré dans le pays qui demande l’extradition. L’Espagne a été une pionnière dans l’introduction de la justice universelle en 2009, mais dans l’autre domaine, elle est beaucoup en retard.
Et pourtant, comme l’a écrit un éditorial à la veille de l’extradition du détenu belge, prudente et conservatrice comme le journal El Faro de Melilla: « La défense d’Ali Aarras atteint et affecte tous les démocrates qui croient en un Etat de droit avec une justice équitable qui, aujourd’hui, ne se trouvent pas au Maroc ».
Ignacio Cembrero
Souce : Orilla Sur (El Mundo)

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