Ali Salem Tamek : Voilà comment et pourquoi la police nous a arrêtés ma femme et moi
Le militant indépendantiste sahraoui et suiveur du Front Polisario, Ali Salem Tamek, a été arrêté avec sa femme jeudi dernier aux petites heures de la matinée. Son épouse, El Khalifa Ragbi, était recherchée pour « vol ». Embarqués, selon ses dires, dans une fourgonnette sans « signe distinctif de la police », ils ont été relâchés après heures de détention. Immédiatement, une campagne médiatique s’est abattue sur eux. Nous l’avons contacté.Demain : Votre épouse, El Khalifa Ragbi, a été arrêtée dans un hôtel de Rabat. Que s’est-il passé ?
Ali Salem Tamek : Merci de me poser ces questions parce que personne ne me les a posées. Nous avons eu droit, ma femme et moi, à un tombereau d’injures et d’accusations ignobles, sans que personne ne daigne nous parler. La nuit du mercredi 13 novembre 2013, j’ai pris une chambre dans un hôtel de Rabat. Le lendemain, jeudi 14 novembre 2013, vers le coup de 7h00 du matin, trois policiers en civil se sont présentés devant ma chambre pour procéder à l’arrestation de mon épouse qui, d’après eux, est recherchée par la police de Laâyoune pour vol. Ensuite, ils nous ont embarqués tous les deux dans un fourgon, qui ne portait, je tiens à le signaler, aucun signe distinctif de police. Au commissariat de police, du quartier de la Tour Hassan, pendant que mon épouse était en état d’arrestation, j’ai contacté Khadija Marouazi, secrétaire générale de l’association Al Wassit pour la démocratie et les droits de l’homme, qui a alerté le président du CNDH (NDLR : Conseil national des droits de l’homme), Driss El Yazami, et le secrétaire général du même organisme, Mohamed Sebbar, que je remercie infiniment. Après plusieurs heures d’arrestation et après qu’elle ait accédé à signer un procès verbal nous avons pu quitter les locaux de la police.
Q : Mais c’est quoi cette affaire de vol ?
R : Le secrétaire général du CNDH, Mohamed Sebbar, m’a assuré que l’affaire est close et qu’il s’agit en fait de vol d’électricité, ce qui n’est pas vrai.
Q : Vous avez été arrêtés tous les deux pour un simple vol d’électricité ?
R : Oui Monsieur ! La police s’est présentée à 7h00 du matin et la fourgonnette qui nous a transportés ne portait pas de signe distinctif de la police pour un prétendu vol d’électricité. Ce prétendu délit se serait produit durant la période de ma dernière détention, en 2010. Il y a trois ans. Or, ma femme a réglé toutes les factures d’électricité avant de déménager dans notre nouveau domicile. Et puis s’il y avait eu un problème de vol d’électricité, nous n’avons dû recevoir une lettre. Mais jamais nous n’avons reçu aucun avis de paiement ou une quelconque mise en demeure. Ni de l’ONE, ni de la police, ni de la justice.
Q : Peut-être que ces mises en demeure ne vous sont pas parvenues ?
R : Vous plaisantez ! Moi, mon épouse et ma maison sommes sous la surveillance étroite de tous les services de police de Laâyoune. Nous sommes le genre de personnes qui ne passent jamais inaperçues à Laâyoune et ailleurs. Croyez-vous que je puisse me déplacer à Rabat sans que tout le monde, je parle des services de police, ne soit au courant ? D’ailleurs, la preuve que cette affaire sent le coup fourré c’est que je suis parti en premier à Rabat, et ma femme m’a rejoint le 12 novembre par le vol AT480 de la RAM. Je vous donne ces détails parce qu’à l’aéroport de Laâyoune et à celui de Casablanca, ma femme a été contrôlée par la police, pour ne pas dire interrogée, mais pas arrêtée.
Q : C’est donc, selon vous, une affaire politique ?
R : Mais absolument. Pourquoi ma femme n’a pas été arrêtée à l’aéroport de Laâyoune, ou dans celui de Casablanca, s’il y avait un avis de recherche ? Et c’est quoi cette rapide médiatisation de cette prétendue affaire de vol ? Enfin, c’est quoi cette autre accusation, ignoble qui cherche à porter atteinte à notre honorabilité de mari et de femme.
Q : Laquelle ?
R : Vous n’avez pas lu ce qu’ils ont écrit sur certains sites ? Ils ont écrit que ma femme a été arrêtée pour adultère et j’en passe d’autres accusations immondes qui montrent le désir hargneux des autorités marocaines de se venger de moi. Mais ce genre d’intimidations n’est pas nouveau. Tout au long de mon parcours de militant sahraoui pacifique, j’en ai connu pire. J’ai été emprisonné six fois et pendant de longues années. En 2002, j’ai été révoqué de mon travail. Mon ex-épouse, qui se trouve actuellement exilée à l’étranger, a été victime d’un viol collectif d’agents de la DST en 2003 devant ma fille Thawra. En 2005, les autorités marocaines ont tenté de m’interner dans un hôpital psychiatrique, et en 2007, elles m’ont interdit la poursuite mes études universitaires. Vous n’avez qu’à taper mon nom sur Google et vous trouverez dans la presse marocaine des échantillons de la haine déversée sur moi. Tantôt je suis un agent des services secrets algériens, tantôt je suis un agent des services secrets marocains, et cela au gré des circonstances et des situations. Et avec tout cela, certains nous parlent de respect des droits de l’homme.
Propos recueillis par Ali Lmrabet
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