Câbles Wikileaks : l’Union du Maghreb, une belle fumisterie qui coûte 1,85 million de dollar par an
Jeudi, 09 Décembre 2010 Arezki said
Quand ils se croisent au hasard d’une rencontre au sommet ou d’une réunion, les dirigeants du grand Maghreb font tout pour s’éviter. S’ils n’ont d’autre choix que de se plier aux règles du protocole, ils échangent volontiers sourires de façade, accolades et poignées de main chaleureuses. Cependant, personne n’est dupe. Qu’ils soient présidents à vie, inamovible guide de révolution ou héritier du trône, les dirigeants des cinq pays du Maghreb se détestent cordialement. Ce n’est un secret pour personne mais c’est ce que confirment dans une large mesure les câbles de la diplomatie américaine révélés jusqu’à présent par Wikileaks.
Le président Bouteflika pense que Mohamed VI « n’est pas ouvert et manque d’expérience ». A ses yeux, le monarque chérifien serait également dénué de ce sens de l’humour qu’il a tant apprécié d’abord chez son père, Hassan II, puis chez son frère Moulay Rachid avec lequel il a « plaisanté et discuté agréablement » au cours d’une rencontre.
Si pour le moment, Mohamed VI, 47 ans, n’a pas porté de jugement personnel sur Bouteflika, du moins à la lecture des câbles de Wikileaks déjà révélés, son attitude ne révèle pas moins l’abime qui sépare aujourd'hui l’Algérie du Maroc. « Nous n’avons aucune relation avec l’Algérie, hormis une coopération limitée dans le domaine de la sécurité », avoue Mohamed VI au sous-secrétaire d'Etat américain, David Welsh, d’après un mémo en date du 28 février 2008 classé confidentiel.
De son côté Bouteflika,73 ans, s'est plaint, à Frances Fragos Townsend, conseillère du président George W. Bush pour les affaires de sécurité, que l'Algérie soit dans une situation dans laquelle tout geste vers le Maroc pourrait être interprété par la partie marocaine comme le début d'un processus de travail à un règlement bilatéral avec l'Algérie. Pour éviter cela, le président algérien se garde de toute manifestation publique à l'égard de son voisin. Y compris lorsqu’il s’agit d’une simple poignée de main : « Donc, je ne veux pas serrer la main du roi », tranche le chef de l'Etat algérien.
Les frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie restent désespérément fermées depuis la grave crise diplomatique de 1994 et les deux dirigeants ne se sont rencontrés, au cours d’un long tête-à-tête qu’une seule fois, en mars 2005, à Alger. Dans cette histoire de tenace inimitié, Bouteflika a tout de même apprécié le message « fort chaleureux » du roi du Maroc après la qualification en coupe du monde de l’équipe nationale algérienne de football au détriment de son homologue égyptienne. Cependant, selon le vœu du président algérien, cette lettre n’a jamais été rendue publique pour ne pas créer de problèmes entre le Maroc et l’Egypte.
Si Mohamed VI ne trouve pas grâce aux yeux du président Bouteflika pour son manque d’humour, les proches du roi ne cachent nullement ce qu’ils pensent réellement de dirigeants. Au représentant personnel du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, qu’ils rencontrent en juin 2009, ils expliquent que «le pouvoir est toujours entre les mains de généraux dogmatiques», «pétrifiés» à l’idée du plan d’autonomie pour le Sahara présenté par Rabat. L’Algérie est décrite comme une «menace», un pays qui ferait barrage au Maroc pour lutter efficacement contre le terrorisme et qui chercherait à se doter de l’arme nucléaire.
Pointant du doigt les innombrables échecs d’unité africaine et arabe que le guide libyen a essuyé, le président tunisien Ben Ali,74ans, au pouvoir depuis 1987, en a conclu que son excentrique voisin de l’est « n’est pas une personne normale ». Un Mouammar Khadafi, 68 ans, déjà égratigné par un mémo qui le décrit dépendant de manière obsessionnelle d’un « petit noyau dur d’hommes de confiance» et qui ne saurait mettre le pied hors de Libye sans son infirmière ukrainienne à la plantureuse poitrine. L’entourage du président Ben Ali ne vaut guère mieux selon les câbles diplomatiques de Wikileaks qui décrivent un « régime qui n’accepte ni critique ni conseil » et un président entouré d’une « quasi mafia ».
Passons sur le fait que le président Ben Ali accuse l’Algérie d’être responsable de l’impasse actuelle au Sahara occidental. Le Maroc, selon lui, n’en est qu’au « début du début » pour ce qui est de l’intégrisme islamiste, un problème longtemps occulté par le Maroc que le feu le roi Hassan II n’a jamais voulu discuter. Bref, au vu de ce qui a été révélé jusqu’à présent par le site Wikileaks, les dirigeants des pays du grand Maghreb ne s’apprécient que fort peu.
Et Pourtant. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie font partie d’une organisation dénommée l’Union du Maghreb Arabe (UMA) dont l’actuel secrétaire général est le tunisien Habib Ben Yahia. Formée depuis 1989, cette organisation économique et politique possède son siège à Rabat, au Maroc. Depuis sa création le 17 février à Marrakech, le Conseil des chefs d’Etat de l’UMA ne s’est plus réuni depuis 1994. Dotée d’un budget annuel estimé à 1,85 million de dollars, l'organisation emploie une quarantaine de personnes recrutées parmi les cinq pays de la zone.
Selon des statistiques fournies en juin 2003 par l’hebdomadaire Jeune Afrique, l'UMA coûte 0 ,016 dollar par habitant et par an (la zone compte quelque 90 millions d’habitants), contre 250 dollars pour un citoyen de la zone euro. Chaque pays doit s’acquitter de 370 000 dollars par pour faire fonctionne cette machine qui tourne à vide, toutefois, seules le Maroc et la Tunisie s’acquittent de cette contribution annuelle, les autres pays refusent de mettre la main à la poche
Au-delà du différent majeur, le conflit du Sahara occidental, qui empoisonne les relations entre l’Algérie et le Maroc, deux pays qui forment l’ossature du Maghreb, l’UMA est d’abord plombée par ses dirigeants. Mal élus, imposés à leurs peuples par une sorte d’héritage de droit ancestral ou maintenus au pouvoir par la force des baïonnettes, ils ont en commun le fait qu’ils ne se parlent pas, qu'ils appartiennent à des générations différentes, qu’ils ne s’apprécient pas ou qu’ils en se supportent pas mutuellement.
Les 90 millions de maghrébins ne peuvent même rêver d’une autre génération de dirigeants qui feraient table rase du passé. Les actuels chefs d’Etat ont presque tous un fils, un frère ou un proche à portée de main pour prendre la relève au pied levé. En attendant, l’Union du Maghreb arabe continue de ronronner
Jeudi, 09 Décembre 2010 Arezki said
Quand ils se croisent au hasard d’une rencontre au sommet ou d’une réunion, les dirigeants du grand Maghreb font tout pour s’éviter. S’ils n’ont d’autre choix que de se plier aux règles du protocole, ils échangent volontiers sourires de façade, accolades et poignées de main chaleureuses. Cependant, personne n’est dupe. Qu’ils soient présidents à vie, inamovible guide de révolution ou héritier du trône, les dirigeants des cinq pays du Maghreb se détestent cordialement. Ce n’est un secret pour personne mais c’est ce que confirment dans une large mesure les câbles de la diplomatie américaine révélés jusqu’à présent par Wikileaks.
Le président Bouteflika pense que Mohamed VI « n’est pas ouvert et manque d’expérience ». A ses yeux, le monarque chérifien serait également dénué de ce sens de l’humour qu’il a tant apprécié d’abord chez son père, Hassan II, puis chez son frère Moulay Rachid avec lequel il a « plaisanté et discuté agréablement » au cours d’une rencontre.
Si pour le moment, Mohamed VI, 47 ans, n’a pas porté de jugement personnel sur Bouteflika, du moins à la lecture des câbles de Wikileaks déjà révélés, son attitude ne révèle pas moins l’abime qui sépare aujourd'hui l’Algérie du Maroc. « Nous n’avons aucune relation avec l’Algérie, hormis une coopération limitée dans le domaine de la sécurité », avoue Mohamed VI au sous-secrétaire d'Etat américain, David Welsh, d’après un mémo en date du 28 février 2008 classé confidentiel.
De son côté Bouteflika,73 ans, s'est plaint, à Frances Fragos Townsend, conseillère du président George W. Bush pour les affaires de sécurité, que l'Algérie soit dans une situation dans laquelle tout geste vers le Maroc pourrait être interprété par la partie marocaine comme le début d'un processus de travail à un règlement bilatéral avec l'Algérie. Pour éviter cela, le président algérien se garde de toute manifestation publique à l'égard de son voisin. Y compris lorsqu’il s’agit d’une simple poignée de main : « Donc, je ne veux pas serrer la main du roi », tranche le chef de l'Etat algérien.
Les frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie restent désespérément fermées depuis la grave crise diplomatique de 1994 et les deux dirigeants ne se sont rencontrés, au cours d’un long tête-à-tête qu’une seule fois, en mars 2005, à Alger. Dans cette histoire de tenace inimitié, Bouteflika a tout de même apprécié le message « fort chaleureux » du roi du Maroc après la qualification en coupe du monde de l’équipe nationale algérienne de football au détriment de son homologue égyptienne. Cependant, selon le vœu du président algérien, cette lettre n’a jamais été rendue publique pour ne pas créer de problèmes entre le Maroc et l’Egypte.
Si Mohamed VI ne trouve pas grâce aux yeux du président Bouteflika pour son manque d’humour, les proches du roi ne cachent nullement ce qu’ils pensent réellement de dirigeants. Au représentant personnel du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, qu’ils rencontrent en juin 2009, ils expliquent que «le pouvoir est toujours entre les mains de généraux dogmatiques», «pétrifiés» à l’idée du plan d’autonomie pour le Sahara présenté par Rabat. L’Algérie est décrite comme une «menace», un pays qui ferait barrage au Maroc pour lutter efficacement contre le terrorisme et qui chercherait à se doter de l’arme nucléaire.
Pointant du doigt les innombrables échecs d’unité africaine et arabe que le guide libyen a essuyé, le président tunisien Ben Ali,74ans, au pouvoir depuis 1987, en a conclu que son excentrique voisin de l’est « n’est pas une personne normale ». Un Mouammar Khadafi, 68 ans, déjà égratigné par un mémo qui le décrit dépendant de manière obsessionnelle d’un « petit noyau dur d’hommes de confiance» et qui ne saurait mettre le pied hors de Libye sans son infirmière ukrainienne à la plantureuse poitrine. L’entourage du président Ben Ali ne vaut guère mieux selon les câbles diplomatiques de Wikileaks qui décrivent un « régime qui n’accepte ni critique ni conseil » et un président entouré d’une « quasi mafia ».
Passons sur le fait que le président Ben Ali accuse l’Algérie d’être responsable de l’impasse actuelle au Sahara occidental. Le Maroc, selon lui, n’en est qu’au « début du début » pour ce qui est de l’intégrisme islamiste, un problème longtemps occulté par le Maroc que le feu le roi Hassan II n’a jamais voulu discuter. Bref, au vu de ce qui a été révélé jusqu’à présent par le site Wikileaks, les dirigeants des pays du grand Maghreb ne s’apprécient que fort peu.
Et Pourtant. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie font partie d’une organisation dénommée l’Union du Maghreb Arabe (UMA) dont l’actuel secrétaire général est le tunisien Habib Ben Yahia. Formée depuis 1989, cette organisation économique et politique possède son siège à Rabat, au Maroc. Depuis sa création le 17 février à Marrakech, le Conseil des chefs d’Etat de l’UMA ne s’est plus réuni depuis 1994. Dotée d’un budget annuel estimé à 1,85 million de dollars, l'organisation emploie une quarantaine de personnes recrutées parmi les cinq pays de la zone.
Selon des statistiques fournies en juin 2003 par l’hebdomadaire Jeune Afrique, l'UMA coûte 0 ,016 dollar par habitant et par an (la zone compte quelque 90 millions d’habitants), contre 250 dollars pour un citoyen de la zone euro. Chaque pays doit s’acquitter de 370 000 dollars par pour faire fonctionne cette machine qui tourne à vide, toutefois, seules le Maroc et la Tunisie s’acquittent de cette contribution annuelle, les autres pays refusent de mettre la main à la poche
Au-delà du différent majeur, le conflit du Sahara occidental, qui empoisonne les relations entre l’Algérie et le Maroc, deux pays qui forment l’ossature du Maghreb, l’UMA est d’abord plombée par ses dirigeants. Mal élus, imposés à leurs peuples par une sorte d’héritage de droit ancestral ou maintenus au pouvoir par la force des baïonnettes, ils ont en commun le fait qu’ils ne se parlent pas, qu'ils appartiennent à des générations différentes, qu’ils ne s’apprécient pas ou qu’ils en se supportent pas mutuellement.
Les 90 millions de maghrébins ne peuvent même rêver d’une autre génération de dirigeants qui feraient table rase du passé. Les actuels chefs d’Etat ont presque tous un fils, un frère ou un proche à portée de main pour prendre la relève au pied levé. En attendant, l’Union du Maghreb arabe continue de ronronner
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