Le procès surréaliste de l’avocat de la famille Ben Barka
La violation du secret professionnel invoquée contre Me Maurice Buttin
| Jeudi 13 Février 2014
L’avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin, sera jugé le 18 février à Lille (Nord de la France) pour violation du secret professionnel après une plainte déposée par Miloud Tounzi, membre présumé du commando qui a enlevé l’opposant marocain en 1965. Me Buttin, qui encourt un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende, est accusé d’avoir révélé en 2007 à un journaliste de la chaîne France 3 spécialiste de l’affaire Ben Barka, Joseph Tual, qu’un mandat d’arrêt international allait être délivré par le juge d’instruction alors chargé du dossier, Patrick Ramaël, à l’encontre de Miloud Tounzi.
Ancien commissaire de police marocain actuellement à la retraite, Miloud Tounzi, alias Larbi Chtouki, est l’un des cinq Marocains visés par un mandat d’arrêt international pour l’enlèvement de Ben Barka, auquel il nie avoir participé. «C’est aberrant», a déclaré mardi à l’AFP Me Buttin, âgé de 85 ans et qui ne s’occupe plus que du dossier Ben Barka. «On essaie de bloquer la justice, du côté marocain par une non-exécution d’une commission rogatoire, et du côté français, par un mandat d’arrêt». «On est dans une situation tout à fait surréaliste où on risque d’avoir comme seule personne réellement condamnée dans l’affaire Ben Barka l’avocat qui défend la famille Ben Barka depuis maintenant 50 ans», a déclaré le conseil de Maurice Buttin, Me Alexis Gublin. «La décision qui va être rendue est une décision politique. Il s’agit de savoir si oui ou non, cinquante ans après, on a décidé d’enterrer définitivement l’affaire Ben Barka», a-t-il poursuivi. «Ce qu’a fait (Maurice Buttin) n’est pas quelque chose qui entrave la justice, cela va dans le sens de la défense des intérêts de ses clients», a assuré son conseil.
Natif de Meknès et inscrit au barreau de Rabat en 1954, Me Buttin, rappelle-t-on, a commencé à défendre des nationalistes poursuivis devant des tribunaux ordinaires ou militaires. Jusqu’à «l’affaire», qui va l’envoyer à Paris pour faire sa première plaidoirie.
Constitué à Rabat par la mère de Ben Barka deux jours après son enlèvement et son assassinat, sa plaidoirie aux Assises de la Seine, à l’automne 1966, lui fermera les portes du Maroc ! «Le jour où je franchirais le Rubicon, a-t-il dit à ce propos, c’est-à-dire où je me déplacerais à Paris pour le premier procès dans l’affaire Ben Barka, je ne quitterai pas le Maroc ... Mais le Maroc me quittera ! Le retour au pays m’a été interdit après ma plaidoirie». Il n’y reviendra, pour la première fois, que dix-sept ans plus tard, en janvier 1983, comme membre de la délégation française accompagnant François Mitterrand …
Entre temps, il s’inscrira au barreau de Paris et déposera en 1966 et en 1967 deux plaintes devant la cour d’Assises de la Seine pour « enlèvement et séquestration» et une deuxième plainte en octobre 1975 pour «assassinat». Mais bien que plusieurs juges se soient relayés sur le dossier et en dépit des multiples auditions et de la levée du secret défense, il n’y a toujours pas de conclusion dans cette affaire sans solution de laquelle, une part des plus sombres des années de plomb, continuera à tarauder la conscience de tous les démocrates ainsi que de tous les hommes épris de justice qui veulent voir le Maroc rompre avec les pratiques sombres d’un passé qu’ils veulent à jamais révolu.
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