Housni Benslimane(TNIOUNI / NICHANE)
Avec l’annonce de l’émission de mandats d’arrêt contre les généraux Benslimane et Kadiri, l’affaire Ben Barka connaît un nouveau rebondissement. Mais ces mandats ont-ils été réellement diffusés, ou ne s’agit-il que d’intox médiatico-politique ?
Qui détient la vérité dans l’affaire Ben Barka ? La question, vieille de 42 ans, est aujourd’hui encore d’une brûlante actualité. Quand, il y a un mois, Patrick Ramaël, le juge français chargé de l’enquête, a signé des mandats d’arrêt internationaux contre cinq personnalités marocaines
(dont les généraux Benslimane et Kadiri), l’affaire prenait un nouveau tournant. “Emettre des mandats d’arrêt est le stade ultime qu’un juge puisse atteindre. Patrick Ramaël a été obligé de le faire après que toutes ses tentatives, pour l’organisation de commissions rogatoires au Maroc, ont butté sur des obstacles prétextés par les autorités marocaines”, affirme Maurice Buttin, avocat de la famille Ben Barka. Le juge français avait d’ailleurs bien choisi son timing : l’annonce de la signature desdits mandats s’est faite le premier soir de la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy au Maroc. Interrogée sur la question, Rachida Dati, ministre française de la Justice, s’est contentée de préciser qu’elle “n’avait pas de commentaire à faire sur une instruction en cours”. Quant aux responsables marocains, ils ont préféré snober le juge français. “Un juge n’a pas à faire de politique, parce que cela décrédibilise ses actions”, a notamment déclaré Khalid Naciri, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement sur Al Jazeera. “Pendant près d’une semaine, rappelle un chercheur qui suit le dossier, les autorités marocaines ont semblé douter de l’existence de ces mandats. Certains ont même expliqué qu’ils devaient encore être validés par le ministère de la Justice français, et que cela prendrait des semaines”. Le 16 novembre, les infos du matin font bondir plusieurs de nos responsables : “Les généraux Kadiri et Benslimane interdits d’entrer dans 185 pays”. En clair, cela veut dire que les 185 pays membres d’Interpol ont reçu les mandats d’arrêt signés par le juge Ramaël. Théoriquement toujours, les personnes visées par ces mandats internationaux doivent être arrêtées dès leur entrée dans l’un de ces pays. Un pas est donc franchi et l’étau se resserre autour des responsables marocains… qui ne sont plus que quatre. “Le nom de Boubker Hassouni a disparu des prétendus nouveaux mandats d’arrêt, alors qu’il a longtemps été présenté par la justice française comme un exécutant de l’opération de kidnapping et de meurtre de Mehdi Ben Barka. Prétexter un manque d’informations personnelles le concernant n’est pas un argument sérieux”, nuance un cadre au ministère de la Justice marocain.
(dont les généraux Benslimane et Kadiri), l’affaire prenait un nouveau tournant. “Emettre des mandats d’arrêt est le stade ultime qu’un juge puisse atteindre. Patrick Ramaël a été obligé de le faire après que toutes ses tentatives, pour l’organisation de commissions rogatoires au Maroc, ont butté sur des obstacles prétextés par les autorités marocaines”, affirme Maurice Buttin, avocat de la famille Ben Barka. Le juge français avait d’ailleurs bien choisi son timing : l’annonce de la signature desdits mandats s’est faite le premier soir de la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy au Maroc. Interrogée sur la question, Rachida Dati, ministre française de la Justice, s’est contentée de préciser qu’elle “n’avait pas de commentaire à faire sur une instruction en cours”. Quant aux responsables marocains, ils ont préféré snober le juge français. “Un juge n’a pas à faire de politique, parce que cela décrédibilise ses actions”, a notamment déclaré Khalid Naciri, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement sur Al Jazeera. “Pendant près d’une semaine, rappelle un chercheur qui suit le dossier, les autorités marocaines ont semblé douter de l’existence de ces mandats. Certains ont même expliqué qu’ils devaient encore être validés par le ministère de la Justice français, et que cela prendrait des semaines”. Le 16 novembre, les infos du matin font bondir plusieurs de nos responsables : “Les généraux Kadiri et Benslimane interdits d’entrer dans 185 pays”. En clair, cela veut dire que les 185 pays membres d’Interpol ont reçu les mandats d’arrêt signés par le juge Ramaël. Théoriquement toujours, les personnes visées par ces mandats internationaux doivent être arrêtées dès leur entrée dans l’un de ces pays. Un pas est donc franchi et l’étau se resserre autour des responsables marocains… qui ne sont plus que quatre. “Le nom de Boubker Hassouni a disparu des prétendus nouveaux mandats d’arrêt, alors qu’il a longtemps été présenté par la justice française comme un exécutant de l’opération de kidnapping et de meurtre de Mehdi Ben Barka. Prétexter un manque d’informations personnelles le concernant n’est pas un argument sérieux”, nuance un cadre au ministère de la Justice marocain.
Le démenti de RadiLe
département de Abdelouahed Radi réplique le lendemain, en publiant un communiqué démentant la réception par le ministère de la Justice d’un quelconque mandat d’arrêt et dénonçant “la partialité du juge chargé de l’enquête (…) dans une affaire lancinante et complexe”. Ramaël aurait-il menti ? La machine médiatique se serait-elle emballée ? La réponse viendra, encore une fois, de Paris. Dans une déclaration à TelQuel, Maurice Buttin affirme “qu’Interpol n’envoie pas de mandats d’arrêt au pays dont relèvent les personnes concernées, car elle ne peut pas demander à ce pays d’extrader ses ressortissants”. “Archi-faux, rétorque ce haut responsable d’Interpol, qui a requis l’anonymat. Le pays concerné est le premier à recevoir ce genre de mandats. Imaginez que la personne recherchée soit un trafiquant de drogue, ne serait-il pas logique de la chercher d’abord dans son pays d’origine ? Mais une chose est sûre : jusqu’à maintenant, le bureau d’Interpol au Maroc n’a rien reçu”. Du coup, personne n’est, à l’écriture de ces lignes, en mesure de confirmer ou infirmer l’émission de ces mandats d’arrêt. “Ramaël les a peut-être signés, mais est-ce que le Parquet les a validés puis transmis à Interpol ? D’ailleurs, Ramaël n’a jamais officiellement déclaré avoir signé un quelconque mandat. Toutes les informations parues citent ‘des sources judiciaires anonymes’. Et tout est parti d’un reportage sur France 3, puis d’une déclaration faite à l’AFP par une source anonyme”, note un responsable au ministère de l’Intérieur marocain. France 3, justement. L’avocat de Miloud Tounzi, l’un des principaux témoins dans l’affaire, a déposé plainte contre Joseph Tual, le journaliste auteur dudit reportage, annonçant la signature des mandats d’arrêt par le juge Ramaël. Le journaliste français, qui suit l’affaire depuis plusieurs années, est aussi un intime de la famille Ben Barka et serait proche des milieux français chargés de l’enquête. Sortant de son éternel mutisme, Miloud Tounzi l’accuse de “violation du secret de l’instruction et de recel”. Dans un communiqué transmis au bureau de l’AFP à Paris, l’avocat de Tounzi déclare que “le 19 octobre (soit deux jours avant l’arrivée de Sarkozy au Maroc, ndlr), M. Tounzi a appris avec stupéfaction, par M. Joseph Tual, qu’un mandat d’arrêt international allait être émis contre lui”.
L’affaire dans l’affaire
Joint par TelQuel, Joseph Tual affirme n’avoir reçu aucune notification du tribunal d’une quelconque plainte. “Mais si la plainte se précise, je demanderai à être confronté à M. Tounzi. Je serai très heureux de le voir enfin à Paris. Driss Basri m’a tellement vanté ses mérites…”, ironise-t-il. Soit, mais Tual a-t-il réellement joint Miloud Tounzi par téléphone ? L’a-t-il vraiment informé des fameux mandats d’arrêt, trois jours avant leur signature ? Et dans ce cas, qui est à l’origine de la fuite judiciaire ? Invoquant le secret professionnel, Tual se contente de répondre : “Si coup de fil il y a eu, ce n’était pas le premier. Nous échangeons des communications téléphoniques depuis plusieurs mois”. En tout cas, plus de quarante ans après la disparition de Ben Barka, l’enquête sur les circonstances de sa disparition franchit une nouvelle étape. “L’histoire des mandats d’arrêt se précisera dans les prochaines semaines, mais celle de la plainte déposée par Miloud Tounzi marque un tournant. C’est la première fois que le côté marocain contre-attaque sur le plan judiciaire”, analyse un avocat marocain proche du dossier. En off, mais avec insistance, de plus en plus d’officiels marocains évoquent la responsabilité de l’Etat français dans l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. “Nous refusons que l’affaire devienne une question maroco-marocaine. Plusieurs pays sont impliqués et le Maroc ne paiera pas pour tout le monde”, affirme une source du ministère de l’Intérieur. Aux dernières informations, la commission de suivi des travaux de l’IER s’achemine vers la publication de “réalités choquantes” sur l’affaire Ben Barka. Rendez-vous est déjà pris dans trois mois.
Procédure. Ce que risquent les responsables marocains
Procédure. Ce que risquent les responsables marocains
Si Interpol venait à confirmer l’émission de mandats d’arrêt internationaux contre les quatre responsables marocains, ces mandats ont de fortes chances d’atterrir au bureau régional d’Interpol au Maroc. Ce dernier devra alors les transmettre au ministère de la Justice “pour étudier leur conformité avec les dispositions de la loi marocaine”. Le ministère de la Justice ordonne ensuite la démarche à suivre aux éléments de la police ou de la Gendarmerie royale. En cas de déplacement d’une personne recherchée par Interpol dans l’un des 185 pays membres, celle-ci doit être immédiatement arrêtée et mise en détention, avant d’être auditionnée ou mise en examen par le juge d’instruction qui a signé le mandat d’arrêt. La même procédure serait appliquée aux responsables marocains recherchés. “Mais s’ils sont arrêtés, ils seront libérés après leur audition. Sauf s’ils reconnaissent avoir tué Ben Barka !”, ironise un avocat marocain. Pourquoi ne pas se contenter alors d’un simple mandat d’amener ou d’une demande de comparution ? “Le mandat d’arrêt est décidé quand les faits reprochés à la personne sont punis d’une peine de prison et quand la personne ne se trouve pas sur le territoire national de la juridiction. C’est le cas des personnes mentionnées dans l’affaire Ben Barka”, explique notre avocat. Tel Quel: http://www.telquel-online.com/299/maroc1_299.shtml
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