Sahara Occidental : le discours de guerre de Rabat
samedi 1er mars 2008
par M. Saâdoune
Le Maroc veut-il « réchauffer » le conflit avec les Sahraouis en prenant prétexte de l’installation à Tifariti d’un nouveau Conseil national sahraoui, d’un projet de construction d’un complexe sportif financé par l’Afrique du Sud et d’un barrage pour l’alimentation en eau potable financé par la mairie de Séville ? Le ministère marocain des Affaires étrangères a publié, hier, un communiqué au ton très martial affirmant qu’il ne saurait tolérer la construction d’infrastructures dans ce qu’il appelle la « zone tampon » de Tifariti. Ce raidissement guerrier paraît surtout lié au fait que les Sahraouis, après trois rounds de « négociations » à New York et à l’approche du 4e round, n’entendent pas transiger sur la question du droit à l’autodétermination. Alger, en dépit des pressions occidentales en faveur du plan d’autonomie marocain, n’a pas changé également de position. Récemment, l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental, Peter Van Walsum, constatait que les positions étaient « encore très éloignées » et qu’il ne disposait pas de solution alternative pour sortir de l’impasse. Les discussions de New York, voulues par certains pays occidentaux comme un moyen de faire passer le plan marocain, n’ont pas atteint ce but. Le Polisario, qui a le droit pour lui, n’a pas cédé à la pression.
C’est dans ce contexte qu’il faut lire ce communiqué guerrier où le gouvernement marocain annonce qu’il ne « saurait en aucune manière tolérer toute rupture du statu quo ou fait accompli dans cette zone qui a été depuis la proclamation du cessez-le-feu en 1991 exempte de présence ou d’infrastructures ». Cette affirmation est assortie d’une menace d’agir par « tous les moyens » pour préserver ce qu’il appelle son « intégrité territoriale » et sa « sécurité nationale ». Le Maroc est-il sur le sentier de la guerre ? Il est en tout cas dans un discours de la guerre à usage diplomatique. Les infrastructures à construire à Tifariti, qui n’ont rien de militaire, il faut le préciser, servent en effet de prétexte pour essayer de relancer une bataille diplomatique à l’issue incertaine en dépit du soutien des Américains et des Français. Le message que le Maroc ne cesse de marteler - « l’autonomie, rien que l’autonomie » -, est en train de muer vers « l’autonomie ou la guerre ».
Un choix risqué
Ce message ne s’adresse pas au Polisario qui est prêt à relever le défi et qui a déjà fait valoir que le retour à la lutte armée reste une de ses options si les efforts destinés à mettre en application les résolutions de l’ONU sur l’autodétermination n’étaient pas couronnés de succès. Ce discours guerrier est plutôt dirigé vers l’ONU qui, de facto, a transformé la Minurso en instrument de préservation du cessez-le-feu. Le but étant de créer une situation dramatique pour donner des arguments aux puissances occidentales afin de redoubler les pressions au sein du Conseil de sécurité et de faire avaliser le plan d’autonomie. Les amis occidentaux du Maroc, ceux-là même qui viennent de créer le précédent du Kosovo, n’ont aucun argument à opposer aux Sahraouis et aux Etats qui défendent l’autodétermination. Et apparemment, le Maroc cherche à leur en fournir un, celui d’une reprise du conflit... à un niveau large puisqu’il met en cause les parties « qui procèdent, accompagnent ou encouragent les actes gravissimes ainsi annoncés ». Le Maroc va-t-il se contenter de cette manœuvre diplomatique et médiatique pour essayer de forcer le chemin à son plan d’autonomie ?
Les chances de succès de la manœuvre étant quasiment nulles, serait-il enclin à aller au-delà de la gesticulation diplomatique ? C’est un choix risqué. Le cessez-le-feu en vigueur a surtout servi à ligoter le Polisario et il a profité au Maroc qui, avec l’appui de certaines puissances occidentales, a évité l’application des résolutions de l’ONU sur l’autodétermination. S’il prend l’initiative de rompre le cessez-le-feu, l’ONU sera mis hors du coup après avoir gelé le conflit à son profit depuis le début des années 90. Tout dépend en réalité de la nature des « conseils » de ses amis occidentaux. Ils ne sont pas toujours de bons conseils.
© le Quotidien d’Oran http://www.spcm.org/Journal/spip.php?breve9902
No comments:
Post a Comment