Sahara occidental, le premier round
Si les négociations entre le Maroc et le Front Polisario n’ont pas abouti à une solution, elles ont permis aux deux parties de dialoguer ouvertement et de se mettre d’accord pour une nouvelle rencontre en août.
Le premier round de négociations sur le Sahara occidental s’est tenu comme prévu à Long Island, près de New York, les 19 et 20 juin derniers. Sans surprise, aucun accord n’a été trouvé mais les deux parties ont convenu de se revoir au même endroit lors la deuxième semaine du mois d’août pour poursuivre les pourparlers. À l’issue de la rencontre, les chefs des délégations des deux camps se sont également livrés au traditionnel exercice des déclarations à la presse. «Pour l’instant, la position du Polisario n’a pas encore évolué. Mais nous avons bon espoir qu’à travers les discussions début août, ils puissent mesurer l’opportunité historique de mettre fin à la souffrance de toute une partie de la population sahraouie qui se retrouve aujourd’hui dans les camps», a ainsi déclaré Chakib Benmoussa, ministre de l’Intérieur. De son côté, le chef de la délégation du Polisario, Mahfoud Ali Biba, a affirmé au quotidien algérien El Khabar que «la position marocaine n’a pas changé. Toutefois, l’atmosphère était détendue et les relations humaines entre les membres des deux délégations ont été caractérisées par la cordialité et le respect mutuels». Selon l’un des négociateurs présents à Long Island, les deux équipes se sont même saluées en se serrant la main avant le début des négociations, lorsqu’elles se sont retrouvées dans le hall de la villa abritant les pourparlers. «Toutes les délégations, y compris celles des Algériens et des Mauritaniens, ont également pris leurs repas à des tables mitoyennes, à la cafétéria, dans une ambiance très diplomatique qui était la bienvenue pour tout le monde», ajoute ce négociateur.Des discussions en arabe, français et espagnolLes pourparlers se sont déroulés sur deux jours par sessions de deux heures à deux heures trente chacune, dans une salle climatisée équipée d’une vaste table ovale. Les discussions se sont tenues en arabe, en français et en espagnol, chaque partie étant assistée par des traducteurs. Côté marocain, les plus prolixes étaient incontestablement Taïeb Fassi Fihri et Chakib Benmoussa qui donnaient de temps en temps la parole à Khalli Henna Ould Rachid, le président du Corcas. «C’était Peter van Walsum, l’Envoyé spécial de Ban Ki Moon, qui dirigeait les négociations. Les cinq premières minutes ont été extrêmement tendues mais quand nous avons commencé à dialoguer, l’ambiance s’est améliorée. Chaque délégation a présenté son plan pour l’avenir du Sahara occidental puis nous nous sommes mutuellement dit ce que nous pensions de chaque proposition», témoigne Ahmed Boukhari, le représentant du Front Polisario à New York et membre de la délégation sahraouie. «Le Maroc a réfuté notre plan, estimant que le référendum d’autodétermination ne pouvait pas être organisé. Nous leur avons répondu que le corps électoral a déjà été défini à deux reprises. Nous leur avons également dit que nous ne refusions pas leur plan d’autonomie mais que nous l’intégrions dans un package qui comporte un référendum d’auto-détermination à trois options : l’indépendance, l’autonomie et l’intégration au Maroc». Toujours selon Ahmed Boukhari, le thème du terrorisme a également été abordé. «Les Marocains ont utilisé cet argument publiquement pour convaincre des puissances occidentales de leur apporter leur soutien. Nous avons rappelé que le terrorisme est un phénomène urbain et qu’à ce jour aucun Sahraoui n’est passé par Guantanamo et n’est impliqué dans un attentat. Nous leur avons aussi dit que nous pourrions très bien mettre en place des unités militaires conjointes». Que s’est-il passé avec l’Espagne ?L’ambiance cordiale et l’esprit de dialogue dans lesquels se sont déroulées les négociations n’étaient pas gagnés d’avance. En effet, alors que les Américains s’étaient clairement prononcés contre la venue de membres du Corcas, et notamment de son président Khalli Henna Ould Rachid, la délégation marocaine a passé outre, provoquant de vives discussions au sein du Polisario. «Nous avons décidé de ne pas bloquer les négociations à cause d’Ould Rachid pour ne pas donner un avantage stratégique au Maroc qui aurait alors pu le retirer de la délégation et instrumentaliser ce geste comme une concession accordée aux Nations Unies», explique ce membre du mouvement indépendantiste.Autre sujet de tension : l’Espagne. Selon la version officielle espagnole, le Maroc et le Front Polisario n’ont pas souhaité la présence d’autres parties à la table des négociations et l’objectif de Madrid était, certes, d’être proche des négociateurs mais en aucun cas avec eux. Une vision que ne partage pas cette source diplomatique pour qui la rencontre de Long Island a été le théâtre d’un véritable clash entre l’Espagne et le Front Polisario. «Ban Ki Moon a remis personnellement aux Espagnols une invitation pour assister aux négociations lorsqu’il s’est rendu à Madrid au début du mois de juin. Probablement parce que l’Espagne est l’ancienne puissance occupante du Sahara occidental. Le Polisario, qui accuse le Premier ministre Zapatero de soutenir le Maroc, a fait savoir en coulisse que l’Espagne n’était pas la bienvenue. Le plus surprenant est qu’il semble bien que le Maroc ne soit pas monté au créneau pour défendre les Espagnols». Dans le même registre, si l’Algérie et la Mauritanie ont participé aux séances d’ouverture et de clôture des pourparlers, elles n’étaient pas présentes lors des négociations proprement dites, même si elles ont été consultées. Quand à la France et aux Etats-Unis, ils n’ont même pas décroché un strapontin d’observateurs. En ce qui concerne les Etats-Unis dont on sait qu’ils tiennent pour exemplaire leur modèle fédéral, il se murmure enfin dans les couloirs des Nations Unies qu’ils auraient soumis un plan de paix au Maroc et au Polisario qui serait à mi-chemin entre l’autonomie et l’indépendance du Sahara occidental. Une affaire à suivre… n
Catherine Graciet
http://www.lejournal-hebdo.com/sommaire/maroc/sahara-le-premier-round.html
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